La 3D vient prêter main forte au traitement de l’œil paresseux

Oeil paresseux

Actif depuis le 1er mars 2021, le projet V-HAB, piloté par la Dre Cristina Simon-Martinez, œuvre pour la réhabilitation de la vision et le développement des capacités d’attention et de la motricité. Ce projet se focalise sur l’amblyopie pédiatrique, également connue sous le nom d’œil paresseux. Il s’agit d’un trouble de la vision, lié au développement, fréquent chez les enfants. Le traitement standard de l’amblyopie consiste à forcer l’utilisation du mauvais œil pour obtenir une image rétinienne claire dans chaque œil. Cependant, plusieurs aspects de ce trouble de la vision, comme l’implication de la vision 3D et de la fonction motrice, sont encore peu étudiés et ne sont pas intégrés dans le processus de rééducation. Le projet V-HAB, financé par la commission européenne, mène une enquête approfondie sur les sciences de la vision en mettant l’accent sur le rôle du contrôle moteur ainsi que sur l’attention sélective chez les enfants ayant un œil paresseux. Ce projet se missionne d’améliorer l’efficacité de la thérapie de l’amblyopie et d’introduire des jeux 3D innovants dans un environnement virtuel afin de rendre la thérapie attrayante pour les enfants.

La naissance multiple du projet V-HAB

Le projet V-HAB tire ces origines d’un ancien projet initié par le Dr Pawel Matusz et financé par le FNS (Fonds National Suisse). Ce premier projet de grande envergure appréhendait les effets sur l’attention, sur le système cognitif et visuel d’un nouveau traitement luttant contre l’amblyopie. Ce dernier consistait en l’utilisation d’un iPad pour la stimulation binoculaire.

Afin de prêter main forte au Dr Matusz, la Dre Cristina Simon-Martinez a rejoint les rangs et s’est missionnée de constituer un projet complémentaire pour la commission européenne. Cette proposition de projet a obtenu la prestigieuse bourse individuelle Marie Sklodowska-Curie. Lorsque la Dre Simon-Martinez est arrivée, une fusion des expertises entre la psychologie et la physiothérapie s’est opérée. Il s’avère que les enfants souffrant d’amblyopie possèdent également des troubles de la motricité qui induisent des difficultés dans la perception en 3D. Cela signifie que les enfants ont de la peine à percevoir la distance des objets. Cette approche pluridisciplinaire a permis d’avoir une vision globale de la problématique. Le projet V-HAB tel que nous le connaissons à l’heure actuelle allie donc la motricité, la cognition et la vision tridimensionnelle.

À l’origine, le traitement se faisait uniquement avec un IPad. Désormais, il se fera à l’aide d’un casque de réalité virtuelle. Des jeux spécialement conçus pour répondre aux exigences de réalité virtuelle ont donc été développés par l’entreprise américaine Vivid Vision Inc en collaboration avec la HES-SO Valais-Wallis. Une diversité de jeux, adaptés aux besoins et aux troubles des enfants, a été mise en place afin de les divertir et donc de les inciter à poursuivre leur traitement tout en s’amusant. Il est important que l’enfant ne s’ennuie pas, car cela diminuerait l’engagement et pourrait provoquer un arrêt total du traitement.

De l’analyse des déficits à la médecine personnalisée

Pour attraper une bouteille (motricité), nous devons être capables d’identifier ses propriétés (attention) et de savoir où elle se trouve dans l’espace (vision tridimensionnelle (3D)). Ce scénario peut cependant être altéré dans certains troubles du développement de la vision, comme l’amblyopie pédiatrique ou l’œil paresseux.

Le projet V-HAB cherche, dans un premier temps, à identifier les déficits sous-jacents de l’amblyopie pédiatrique en combinant l’expertise des sciences de la vision, de la cognition et des domaines de recherche sur le contrôle moteur. Cette identification permet de fournir une compréhension plus approfondie des déficits fondamentaux, à savoir la vision, l’attention et la motricité, des enfants ayant un œil paresseux.

Dans un deuxième temps, l’accent est mis sur l’étude de la vision 3D et son impact sur l’attention sélective et la planification motrice. Ces différents aspects ont été, jusqu’à présent, peu étudiés malgré leur impact significatif sur la vision et leur coexistence potentielle dans l’amblyopie pédiatrique. V-HAB teste également l’efficacité des nouveaux jeux originaux en 3D. Il se déploie dans un environnement de réalité virtuelle et vise l’amélioration de la vision chez les enfants atteints d’amblyopie pédiatrique.

La troisième étape repose sur la volonté d’examiner si les améliorations de la vision sont accompagnées de changements au niveau de l’attention et du contrôle moteur et quels sont les mécanismes cérébraux sous-jacents.

Finalement, en utilisant des approches d’intelligence artificielle sur les résultats du traitement, le projet est en mesure de fournir des lignes directrices en vue d’une médecine personnalisée adaptée aux besoins du patient.

Au début de la recherche, la cible encadrait les enfants âgés de 6 à 14 ans. Puis, le choix des participants s’est étendu aux adolescents et aux adultes jusqu’à 35 ans. Le premier groupe d’âge s’avère intéressant car la plasticité du cerveau est meilleure chez les enfants. En effet, la flexibilité du cerveau de l’enfant simplifie la correction de défaillances alors qu’en grandissant, le cerveau devient de moins en moins flexible et il devient donc plus difficile de corriger des troubles. De nouvelles études ont cependant démontré une possibilité d’amélioration de la vision (donc de la plasticité) chez les adultes. Ces mesures de l’activité cérébrale se font par le biais d’une méthode indolore comme l’électroencéphalogramme. À l’aide de ces mesures, les chercheurs pourront également déterminer quels sont les changements au niveau du cerveau à la suite du traitement.

Du lancement aux dernières actualités

Le projet V-HAB a débuté le 1re mars 2021. Actuellement, les porteurs du projet se trouvent dans la première étape qui consiste à établir toute la documentation indispensable au bon fonctionnement de la recherche. Ils ont également procédé à l’acquisition du matériel et des différents appareils nécessaires au développement du projet et aux premières études exploratoires.

Un processus de recrutement a récemment été initié pour répondre à la première phase du projet. En effet, le projet comprend deux phases majeures :

  1. La première repose sur l’étude de la relation entre la vision, la cognition et la motricité. Pour cette phase, des enfants, des adolescents et des adultes valaisans seront recrutés pour réaliser des tâches cognitives, visuelles et de motricité. Dans ce cas, les activités cérébrales seront enregistrées et serviront de base pour les études. L’objectif vise à comprendre ce qu’il se passe dans le cerveau quand la tâche est exécutée. Les chercheurs souhaitent également étudier la plasticité du cerveau des enfants. Les mouvements entrepris par les participants seront analysés et l’électroencéphalogramme permettra d’identifier quelle zone du cerveau est sollicitée lors de l’accomplissement de ladite tâche. Le but étant de déterminer s’il y a une différence entre les enfants atteints d’amblyopie et les enfants sans amblyopie. Les données vont permettre également d’élucider d’éventuelles corrélations liées à l’âge des participants.

    Pour participer à cette première phase, vous pouvez vous adresser à l’adresse e-mail suivante etude.revamp@gmail.com ou contacter les chercheurs-euses de l’étude (cristina.simon@hevs.ch et pawel.matusz@hevs.ch) pour recevoir plus d’informations.

  2. La deuxième phase se fait en collaboration avec les Hôpitaux Universitaires de Genève (HUG). Il s’agit de l’étape durant laquelle les casques de réalité virtuelle interviennent. Cette phase laisse place aux essais cliniques aléatoirisés, donc au traitement à proprement parler. Les participants seront scindés en deux groupes et suivront les deux traitements suivants : la réalité virtuelle accompagnée des jeux vidéo et le traitement ordinaire avec la correction visuelle via le port des lunettes. Un premier groupe se verra, par exemple, accomplir le premier traitement à l’aide du casque de réalité virtuelle puis poursuivra avec le second traitement : les lunettes. Parallèlement, le second groupe débutera par le port des lunettes et enchainera avec la réalité virtuelle. Le fait d’intervertir les traitements au sein des deux groupes permet de déterminer si la réalité virtuelle a un effet plus lent que les lunettes ou non. L’objectif consiste en l’observation des effets de ces deux méthodes et de les comparer.

Il est important de souligner que le traitement sera idéalement suivi à domicile. Un casque de réalité virtuelle sera mis à disposition du patient. Ce dernier se veut très simple d’utilisation. Ce casque est doté d’un panel varié de jeux vidéo adaptés aux besoins du patient. Les jeux sont préalablement sélectionnés par des ophtalmologues des HUG, car ils sont spécialement conçus pour travailler la binocularité des yeux pour voir en 3D ou pour améliorer la fonction visuelle. Dans ce second cas, les images transmises à l’œil en difficulté seront plus vives que celles, plus sombres, destinées à l’œil sans anomalie. Cette méthode permet à l’œil paresseux de travailler davantage et maintient la binocularité.

Le traitement se veut évolutif. Une fois que le patient fait des progrès, les jeux vont se complexifier afin d’accroitre les efforts et, par voie de conséquence, les progrès. La première phase du traitement à l’aide de jeux en 3D dure 2 mois (8 semaines) comprenant plus ou moins 20 heures de jeux vidéo. Cela équivaut en moyenne à 30 minutes de jeu pendant 5 jours par semaine. Les lunettes seront également portées pendant 8 semaines.

Les trois mots d’ordre de ce traitement sont : stimulation, amusement et engagement.

Un avenir prometteur

Les prochaines étapes de l’évolution du projet sont l’élaboration de la phase 1 de recrutement en Valais qui devrait durer environ 1 année et, par la suite, l’analyse des essais cliniques à Genève.

Il est important de déterminer, notamment grâce aux études cliniques, quels sont les enfants qui peuvent avoir un meilleur potentiel d’amélioration grâce à l’utilisation de ce traitement qui vise l’amélioration de la binocularité et la vision tridimensionnelle.

« J’espère qu’avec ce projet nous pourrons donner des pistes aux cliniciens pour les informer sur les autres traitements possibles et déjà commercialisables. L’idée est d’informer sur la disponibilité du traitement et pourquoi pas définir une alliance entre les deux traitements : celui utilisé jusqu’à présent et le nouveau basé sur la réalité virtuelle. L’objectif consiste à déterminer si les capacités motrices, visuelles et attentionnelles s’améliorent ou non. Les résultats issus de ce projet peuvent indéniablement servir à de futures recherches », conclue la Dre Cristina Simon-Martinez.  

Pour en savoir plus : Obtention d’une bourse prestigieuse pour travailler sur la vision binoculaire chez les enfants – HES-SO Valais-Wallis (hevs.ch)

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