L’influence de la publicité sur l’alimentation des enfants

PSV

Chaque mois, nous partons à la rencontre d’acteurs de l’écosystème de la santé valaisan et mettons en lumière les projets innovants qui font la médecine de demain. En collaboration avec la HEG Arc Neuchâtel, Promotion santé Valais a récemment initié une étude neuromarketing inédite en Suisse sur la thématique des stratégies publicitaires sur les réseaux sociaux qui incitent les enfants à manger des produits industriels sucrés. L’objectif visait à identifier les mécanismes neuronaux ainsi que les zones cérébrales sollicitées ou non par les jeunes consommateurs face à un spot publicitaire afin de comprendre les comportements sous-jacents.

Ce nouveau concept marketing appelé « Kids unboxing » cible principalement les enfants sur la plateforme YouTube. L’étude a été menée sur un panel de 90 enfants âgés de 4 à 13 ans et majoritairement valaisans. Afin d’en savoir plus sur cette récente étude, nous avons rencontré Alexandre Dubuis, responsable de la communication à Promotion santé Valais.  

En quelques mots, parlez-nous de l‘association Promotion santé Valais.

Promotion santé Valais (PSV) est une association qui se donne comme but d’améliorer la santé de l’ensemble de la population valaisanne, et ceci à tous les âges de la vie. Partant du dépistage et de la prise en charge de la tuberculose en 1951, PSV a considérablement étendu son champ d’action aux autres maladies pulmonaires et au domaine de la promotion de la santé.

Aujourd’hui, Promotion santé Valais regroupe cinq domaines d’activité :

  1. La Ligue pulmonaire valaisanne
  2. Le Centre de dépistage du cancer, à l’origine du sein, mais désormais également du colon
  3. L’Unité cantonale de santé scolaire
  4. Le domaine regroupant les activités de prévention et de promotion de la santé qui intègre différents programmes cantonaux : programme d’actions cantonal alimentation-mouvement santé psychique des enfants adolescents et des seniors, programme cantonal de prévention du tabagisme, ainsi que des secteurs  Addictions-CIPRET, IST-VIH, Animation-Ecole, et pour terminer des programmes : réseau cantonal des écoles en santé et durables,  commune en santé, Femmetische, programme de lutte contre le rejet des minorités sexuelles (PREMIS).
  5. Les activités de contact tracing (enquêtes d’entourage) et de hotline en lien avec l’épidémie de COVID-19.

L’association Promotion santé Valais marque sa présence sur l’ensemble du territoire valaisan. Elle comprend, en effet, plusieurs antennes recouvrant l’intégralité du canton.  

Pourquoi avoir initié une étude sur la thématique des nouvelles stratégies publicitaires incitant les enfants à manger des sucreries ?

Il y a deux éléments qui nous poussent à avoir initié cette étude. Le premier repose sur le fait que nous nous rendons compte que la question du surpoids est très présente à l’heure actuelle. Dans le cadre de nos activités, il s’agit là d’une de nos préoccupations. Le second se déploie au travers de l’observation de la présence de plus en plus marquée de ce nouveau marketing intégrant de jeunes influenceurs comme Swan et Neo. Il s’agit de deux influenceurs qui ont débuté très jeunes. Une vidéo de ces derniers a récemment été publiée. En deux jours, elle dénombrait plus de 420 000 vues. Ce qui nous a le plus interpellé, c’est vraiment le nombre de vues que ces vidéos engendrent et surtout le peu d’études sur la question. C’est de ce constat que découle l’intérêt de mener une étude sur cette thématique. De plus, les études démontrent que les habitudes de vie s’acquièrent dès le plus jeune âge et que ce type de publicité vise les tous jeunes. Nous constatons aussi que 48% des jeunes âgés entre 8 et 15 ans ont déjà demandé à acquérir un produit qu’ils ont découvert sur YouTube. Nous nous rendons donc bien compte que ce marketing est très présent. Ce qui interpelle également c’est la présence d’influenceurs de plus en plus jeunes.

Pouvez-vous nous expliquer brièvement le déroulement de l’étude ?

L’étude a été menée par la HEG Arc de Neuchâtel. Elle s’est déroulée en trois temps. Dans un premier temps, nous avons mené une expérience de neuromarketing. Cela signifie que nous avons usé de lunettes Eye-tracking, un outil de mesure portatif qui permet de mesurer objectivement le comportement visuel, et d’un casque EEG, un outil de mesure sans fil qui permet d’enregistrer et de traiter les signaux électriques neuronaux de manière non invasive. L’idée était d’observer ce qu’il se passe chez les enfants lors du visionnage d’une vidéo kids unboxing, donc où leurs yeux étaient dirigés. Dans un deuxième temps, nous avons mené des entretiens semi-directifs avec les enfants. Puis, finalement, nous avons procédé à une observation du comportement alimentaire à la suite du visionnage de ces vidéos.

Le protocole expérimental a nécessité en amont la création de deux vidéos de type « kids unboxing » alimentaire. Construites sur la base de mêmes séquences d’enregistrement, seuls les produits présentés diffèrent d’une vidéo à l’autre avec dans la première des produits sucrés (bonbons, chocolat et soda), et dans la seconde des produits sans sucres ajoutés, qualifiés de « non sucrés » (fruits, galettes de riz et eau). L’objectif étant de souligner l’influence de ce type de contenu sur les enfants. La sélection d’un garçon et d’une fille pour jouer le rôle d’influenceurs a eu pour but de réduire le biais d’influence de genre. Afin de se rapprocher le plus possible des vidéos « kids unboxing » disponibles sur YouTube, le tournage a été réalisé dans la chambre de la jeune fille. Finalement, trois groupes d’enfants âgés de 4 à 13 ans ont été constitués. Un groupe a été exposé à la vidéo « kids unboxing » présentant les produits sucrés, un autre a été exposé à la même vidéo présentant les produits non sucrés et le dernier groupe n’a visionné aucune vidéo.

Pouvez-vous nous résumer les principaux constats issus de cette étude ? 

Le principal résultat de l’étude repose sur le fait que les vidéos « kids unboxing » ne sont pas perçues par les enfants comme étant de la publicité, et cela indépendamment de leur âge. Il était très important de se rendre compte de cet aspect-là. Notons également que le taux d’attention des plus jeunes enfants (4 à 6 ans) concernant les produits alimentaires sucrés est particulièrement élevé. Le risque est donc accru au niveau de cette population. Nous avons surtout remarqué qu’à la suite du visionnage de ces vidéos, les enfants s’orientaient plus facilement vers des produits sucrés. Ces contenus visuels contiennent souvent des placements de produits qui ne sont ni du local ni du non-élaboré. L’enquête révèle également que l’exposition à une vidéo de type « kids unboxing » alimentaire n’influence pas directement le choix du produit mais plus spécifiquement l’envie de manger. L’envie de manger, elle, se traduit par le choix de produits sucrés.

Cette étude apporte des éclaircissements inédits à la question de l’impact des vidéos de type « kids unboxing » alimentaires sur les enfants de 4 à 13 ans et le besoin de sensibilisation auprès des parents et des enfants est nécessaire afin de prévenir la consommation excessive de produits sucrés et donc le risque de surpoids associé.

Quel est l’impact au niveau de la santé sur la vie future de ces enfants ?

La question est très délicate. Nous pouvons imaginer que le fait d’être souvent exposé à ce type de publicité ne va faire que péjorer la situation. Considéré comme le mal du siècle en matière d’alimentation avec 15% des enfants en Suisse en surpoids ou obèsesselon l’OFSP (2020), le sucre est au cœur du programme de prévention de l’association valaisanne. Notons qu’il existe en Suisse non seulement l’association du diabète, mais aussi plusieurs autres associations qui s’activent dans la sensibilisation de l’apport trop conséquent de sucre.

Pourrait-on envisager d’utiliser ou développer des outils digitaux comme dispositifs de prévention pour contrer cette problématique ? Si oui lesquels ?

À la suite de cette étude, nous sommes en pleine réflexion sur qu’est-ce que nous allons pouvoir mettre en place. Ce qui importe, c’est de proposer des outils pour aider les parents à décrypter ce type de contenu publicitaire. Certains peuvent être amenés à penser que leur enfant regarde ces vidéos de manière innocente, mais n’ont pas conscience de l’impact ou justement de l’influence que cela pourrait avoir sur le comportement alimentaire. Les publicités viennent visiter les enfants quand ils sont dans des moments de loisirs et vont, par conséquent, s’associer à quelque chose de positif. C’est là la force de ce type de publicités qui segmente vraiment un public.

Un outil qui pourrait être important serait une sorte de détecteur de ce genre de publicité. L’idée serait qu’à partir de cette publicité, un message apparaisse en disant « ce contenu est publicitaire ». L’objectif consiste à éviter la confusion entre un contenu informatif, divertissant ou autre et une publicité qui a tendance à se fondre dans la suite logique du contenu de la vidéo visionnée par l’enfant. Par conséquent, il faut rendre attentif le jeune.

L’association Promotion santé Valais a également participé au développement d’une stratégie numérique cantonale dans le but d’éviter que des très jeunes soient mis tout seul devant des écrans. Nous nous rendons bien compte, avec la situation actuelle de pandémie, de l’augmentation de la consommation de ces vidéos.

En tant qu’association, Promotion santé Valais ne vend pas un produit, mais un comportement sain. Pour un organisme de prévention, il s’avère très compliqué de rivaliser face à ces contenus publicitaires. En revanche, cette étude montre qu’un travail de sensibilisation est nécessaire. Une certitude réside dans le fait que des enfants qui restent des heures devant des écrans vont être très influencés par ces grandes marques ou par certains produits.

Un mot de conclusion

Le but de Promotion santé Valais n’est pas d’être dans des visions d’interdiction, mais plutôt dans l’accompagnement et l’éducation. L’éducation numérique révèle que derrière les réseaux sociaux se cachent des éléments très positifs, mais qu’il existe également des points sur lesquels il faut être attentif. C’est la raison pour laquelle nous visons l’accompagnement et la sensibilisation. Le but, à la suite de cette étude, consiste en une prise de conscience des parents pour qu’ils soient également plus attentifs.

Un élément qui ressort de cette étude s’illustre dans le fait de dire que nous sommes influencés. Nous sommes tous conscients qu’il y a de la publicité. Cependant, il est important de se rendre compte que cette publicité va induire chez l’individu des comportements qui peuvent nuire à sa santé. Je pense qu’il s’agit d’un aspect sur lequel nous devrions travailler. La finalité espère rendre une forme de liberté, fournir aux gens une certaine distance qui leur donne l’opportunité de ne pas laisser le produit décider pour eux, mais qu’eux seuls sont maîtres de leurs décisions et qu’ils puissent se dire que s’ils veulent choisir telle boisson ou telle nourriture c’est eux qui choisissent parce qu’ils en ressentent l’envie et non pas parce qu’ils ont été guidés ou qu’un produit leur a été imposé.

En savoir plus sur l’influence de la publicité sur l’alimentation des enfants : Promotion santé Valais – Gesundheitsförderung Wallis – Publications | Facebook

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